A comme Amour

A comme Amour / Trois petits textes consécutifs / Les hommes, Paul, Jeanne et la paix

Jour 1 : 27 sept

ACTION / REACTION

Ecouté les revues de presse, lu différents sites. Pleuré sur la Tragédie du Monde. Il ne s’agit pas ici de prendre parti pour le Hamas, le Hezbollah ou Israël. Pour Poutine ou Zelensky. Pour telle junte contre telle rébellion, de rentrer dans ce jeu délétère de la réaction. Mais de penser à ces personnes broyées par des jeux politiques. Il serait peut-être nécessaire de comprendre les ressorts de conflits qui remontent à des générations. Et encore plus loin. Mais dès qu’on essaye, on tombe dans une litanie sans fin d’arguments et de contrarguments, l’un entrainant l’autre… Un conflit justifiant le conflit, la tension la tension, l’agression l’agression… Dans une spirale dont le centre a été vidé de son sens depuis longtemps. Ce centre étant la capacité des hommes à discuter entre eux, à aller l’un vers l’autre. Dans une volonté de paix. Et surtout d’écoute.

On peut être dans un jeu politique qui est parfois un jeu tout personnel d’éviter la justice. On peut être dans une dimension d’égo. Qui exige que l’on tienne un poste coûte que coûte pour justifier la confiance qu’un pays a mis en soi. On peut rentrer dans ce jeu perpétuellement délétère de la réaction à quelque chose. Mais ce faisant, on oublie jusqu’au sens du mot construction. Action et non réaction.

YIN / YANG ET LE VIDE

Parce qu’aujourd’hui, partout, cette politique de la réaction est à l’œuvre. En France comme ailleurs, les dernières élections ont été une magnifique pièce de théâtre qui a pour le moment enterré l’idée même de démocratie et de respect. Elle est souvent menée par des hommes, ici comme partout sur terre. Actuellement, il n’y que 27 cheffes d’état dans le monde. 13% de dirigeantes. Et la violence fleurit à tous les coins de pays. Il n’y a pas de hasard. Ce n’est pas une question de masculin / féminin, mais bien d’énergie yin / yang.

Face à ça, de quoi dispose-t-on ? Difficile de rester à l’écart, prétextant un hyper-traitement médiatique de tout ce qui a trait au côté sombre de l’humanité. Mais pour autant, doit-on rentrer dans ce jeu perpétuel du débat à charge ou décharge de ce qui se passe ? Relayé par des médias qui sont souvent tout, sauf indépendants (donc totalement manipulateurs) ? je ne sais pas.

Moi, j’écris dans ma cuisine (cafetière pas loin). Et plutôt des réflexions sur ce qui me fait réagir ou m’inspire dans mon milieu. En particulier, sur le Tantra et le massage. Le Tantra, si on le réduit à un mot, c’est l’Amour. Dire ça, c’est évidemment prendre le risque de se faire balayer d’un geste et renvoyer au temps du Flower Power… Mais balayer d’un geste par qui ? Ceux qui dirigent, qui sont droits dans leurs bottes. Qui prennent des décisions fermes dans un couloir, qui tiennent des caps, qui détiennent la solution, le pouvoir. Tous ceux qui s’illusionnent d’abord sur leur propre capacité à analyser en circuit fermé ? Parce que totalement connectés à une fausse réalité qui ne se construit que par sur-rajout perpétuel de strates, finissant par former corps. Masquant le Vide.

DESESCALADE

Si l’on désescalade le raisonnement, il y a des chances qu’on se rendre compte qu’il ne repose jamais sur qqch de fondamental. Que tout est sorti du cerveau (et non du cœur) de quelqu’un qui a cru en qqch. Mais qui n’a d’existence que dans le cadre d’un étaiement plus ou moins fragile. Et qui, s’il fait au bout d’un moment masse, n’en reste pas moins éternellement fragile. Parce que la Source est invisibilisée, oubliée. C’est vrai de toutes les religions, c’est vrai de tous les courants. C’est vrai de n’importe quel raisonnement qui s’enroule sur lui-même.

J’écris dans ma cuisine. Je scrolle, je lis des post, des interviews, des analyses, Tout est toujours écrit dans un contexte, rien n’est jamais objectif (le raisonnement ne peut être objectif), parce que rédigé par un militant, qqun engagé dans un « combat », un homme ou une femme. Voire maintenant l’IA qui compile et « analyse ».

Mais qui parle d’Amour ? Qui parle de la confiance en l’humanité ? Qui parle du cette Vie qui apparait de plus en plus comme un miracle à préserver, à chérir ? Où est la construction, celle qui repose sur un sol ? L’Amour reste un socle, et ce n’est en aucun cas un socle de rêveur exposant son flanc à des commentaires moqueurs. C’est LE socle. Le Tantra, entre autres, vise à identifier ce socle. Encore et toujours. A savoir où on se positionne, et dans quel axe ? Parfois, on se casse la gueule, on se relève, on réfléchit, on change de perspective. Et on recommence. Jusqu’à ce qu’on trouve sa juste place, à partir de laquelle on peut réfléchir, et agir. On peut ne jamais la trouver et rester dans l’ego. Mais on essaye.

LEVITATION ET AMOUR

A construire en lévitation au-dessus du sol, on s’obstine toujours à se définir par rapport à « d’où l’on vient ». Pour agrafer une illusion, une mémoire, une légitimité à une autre illusion, une autre mémoire… Et c’est un train qui s’ébranle vers un avenir incertain alors que son passé, sa référence n’est même pas identifiée. L’important n’est pas de se définir par rapport à quelque chose, mais de se définir soi, dans sa Vérité. Et de se mettre à l’écoute du Monde.

La Terre meurt de ce masculin toxique qui a pris le pouvoir partout. De ce masculin qui fait de la vie un combat contre absolument tout, y compris contre lui-même. Alors aujourd’hui, même si l’apparence en est bisounours, j’écris ce petit texte, sur ma table de cuisine. Pour rappeler humblement mais fermement, que le ferment premier de notre vie sur Terre, c’est l’Amour. Et que certains, pour ne pas dire la totalité de ceux qui se battent à coups de missiles, de fake-news, deepfakes, d’invectives, devraient prendre le temps de se poser. De se demander comment ils se sont retrouvés dans ce bordel sans nom. Pour remonter en déconstruisant ce qu’ils ont contribué à faussement construire, pour rejoindre leur source première : celle qui coule encore, masquée par les feuilles, les décombres, la haine… et qui n’a d’autre nom que : l’Amour.

L'AMOUR EST UNE VIBRATION

L’Amour a une résonnance quasi dogmatique. C’est un état. C’est une vibration. C’est une résultante de la foi. Foi venant du mot Fides (confiance en latin). C’est une belle énergie première à injecter dans nos vies, à mettre en œuvre, pour construire. Dans le tantra, on parle d’amour inconditionnel, qui est un amour affranchi de l’ego, au-delà de l’émotionnel. Mais cet émotionnel doit impérativement avoir été connecté, pour être dépassé. Et là, les hommes doivent se mettre en route. L’Amour est un chemin. Et au-delà, l’accès à son yin est aussi un chemin.

Les emprunter en conscience est bien la condition sine qua non pour refleurir l’humanité.

Jour 2 : 28 sept / ETRE OU NE PAS ETRE. SAVOIR DESCENDRE DU PIEDESTAL...

PAUL A 60 ANS

Paul, 60 ans, (prénom changé) écrit bien. Simple et limpide. Pas de mot en trop. Il est venu me voir il y a qq temps. M’a adressé un témoignage .

D’expérience, les hommes savent peu parler de leur émotionalité. Ils savent peu dire. Parfois, bien sûr, j’ai reçu de beaux témoignages d’hommes. Mais de façon générale, accepter de dire ce qui les touche est difficile, quand ils sont formatés à ne pas laisser paraître. Les mots sont rares qui parlent. Qui disent l’émotion, qui disent la surprise, la confiance, le lâcher prise, la libération du flux, de l’énergie. Qui disent la connexion, qui osent dire qu’ils ont été touchés au plus profond d’eux-mêmes. Ici, on est dans la vraie vie, celle qu’une émotion forte peut densifier, faire basculer, ou peut remettre sur pied. On est dans la vraie vie, pas une vie littéraire soigneusement scénarisée. Et dans cette vie, on est souvent à fleur d’émotion. Sans se l’avouer. Paul m’a touché par sa façon de dire, simplement, qu’il a été touché.

J’aime les hommes qui osent la mise à nu, qui osent l’exposition de leur vulnérabilité. Qui osent descendre de ce piédestal par nature instable sur lequel ils ont été installés. Souvent par devers eux. Qui osent leur propre mouvement, avant que d’être encapsulés dans ce piédestal.

Les hommes qui osent être des hommes, tout simplement.

Jour 3 : 29 sept / SENSUALITÉ

JEANNE

Le Dictionnaire de l’Académie retrace ce mot de la façon suivante: « XIIe siècle. Emprunté du latin sensualitas, « faculté de sentir, de percevoir des sensations », lui-même dérivé de sensus, « fait de s’apercevoir ou de percevoir ; sens, sentiment ; intelligence, idée ».

On est très loin du mental.

J’ai fait la connaissance, chez un ami commun, il y a qq temps à Lyon, de Jeanne (prénom changé). On était là-bas pour la Pride : c’était à quelques jours des élections, le climat politique était nauséabond. On y était par solidarité, pour faire bloc contre l’intolérance crasse, les prises de position brutales. Contre le rejet de l’autre sous toutes ses formes. Jeanne était ce jour-là chez cet ami, il y avait là aussi un autre homme. On est partis tous les cinq défiler.

Jeanne est libanaise. Elle souriait beaucoup. Elle nous a accompagné en symbiose dans cette manifestation. On a un peu parlé, il y avait beaucoup de bruit. Elle ouvrait grands les yeux, était de passage ici. Elle devait retourner au Liban, sa famille était la-bas. Une femme comme les autres, inscrite dans son temps, cultivée, vivante.

Beyrouth a été massivement bombardée hier. Je ne connais personne au Liban, hormis Jeanne. Et la savoir aujourd’hui fuyant son quartier bombardé, avec ses parents, cherchant à les mettre à l’abri, redonne, dans ma lecture de cette noria de conflits, cette dimension essentielle d’humanité, ce petit repère du lien amical, personnel, familial, émotionnel. Cette brique première. Qui subsiste dans et à travers le chaos. Qui permet d’écouter différemment le bruit du Monde. Qui ne doit pas etre perdue de vue pour réensemencer le monde. Et laisser à distance relative le mental.

KAREN

J’ai commandé ce matin « le corps (sensuel) masculin » de Karen Cayuela . J’ai besoin de lire une autre vision des hommes, du Monde. J’ai besoin de « bypasser » cette dynamique comportementale ancrée qui les broie. Eux, et le Monde avec. Comprendre comment l’Histoire se surajoute à l’Histoire, dans une logique de cumul de strates. Avec trop peu de monde à lever la main pour simplement dire  » eh oh, ça ne va pas ? » .

J’ai besoin de voir l’homme retrouver le sens de son mouvement. De sa danse. De sa sensualité.

Pensée pour Jeanne, donc, ce matin… Et pour l’Humanité à la recherche de sa danse première.

©-Bruno Deck, masseur tantrique, Matanoma • 2023 • ©Photos Hélène Toulet
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