Troisième trio

LA BEAUTE DES CORPS

Dessin retrouvé

Dessin fait il y a quelques années, retrouvé dans un carnet…

Illustration trio 3.1 - site Bruno Deck - Masseur tantrique

Nos corps sont multiples. Jamais là où on les attend, là où on les projette. Ils sont fermes, tendres, doux, anguleux. Ils sont dans leur expansion, leur élancement. Ils sont effacés, invisibles, pour se fondre. Ou posés, de telle façon qu’on n’imagine pas un paysage sans eux.

Ils sont en distance raisonnée, calculée, pour éviter les frictions, vis à vis de soi-même, vis à vis des autres. Pour éviter de prendre leur espace.

Ils sont aussi, parfois, explicitement assumés, habités, exposés, la paix a été promulguée à l’issue de la bataille. Quel que soit ce qu’ils sont. Cette bataille pour ‘ressembler à’ est perdue d’avance : nous sommes tous uniques. Et dans cette unicité, au sein d’une diversité infinie, nos corps sont, de fait, beaux, perpétuellement et explicitement beaux.

La beauté n’est pas glacée

Beaux parce que la beauté n’est pas glacée, isolée, posée ex-nihilo dans un espace vierge pour être appréhendée. Elle est contextuelle de quelque chose de beaucoup plus grand. Elle est émotion, elle est sensibilité, frémissement, elle n’est pas plastique sous blister ou distanciée. Elle est avant tout incarnée, et cette incarnation l’inscrit dans la Vie. Dans toute sa diversité, son expression multiple, sa définitive richesse.

Et dans cette acception du mot beauté, il y a l’apaisement et l’alignement de soi. La charge mentale liée au questionnement de soi peut s’effacer Pour laisser la place à l’écoute de son propre message. Et dans cette écoute claire, dépliée, défroissée de soi, peut fleurir la joie d’être. Si complexe et si simple à toucher du doigt.

Dans son âme et dans sa conscience.

Dans son corps. Son incarnation.

Les corps sont multiples, et c’est tellement beau ….

JE T'AIME UN PEU PARTOUT

 

Spectacle de femmes

J’ai vu récemment un spectacle à Paris, spectacle de cabaret revisité par des femmes. En apparence, toujours et encore ce regard tellement conditionné, jeté sur les femmes : d’un côté celles qui sont ‘esthétiquement bankables’.

Et de l’autre côté, les autres : rangées dans ce broyeur à considération qui fait qu’elles sont définitivement stockées… de l’autre côté. En l’occurrence, dans ce spectacle, au milieu de femmes esthétiquement parfaites selon les codes dominants : une femme plutôt ronde, qui expose son corps, sans auto-sympathie, sans rechercher celle du public. Pas de lien de connivence recherchée. Et celle-ci ne le sera pas tout au long du spectacle, engendrant (chez moi tout du moins) un certain malaise. Souhaitant, par empathie, un changement de regard, une possible réhabilitation, transcendance, sublimation… qui ne vient pas.

Sans aborder la rive de la grossophobie, je m’interroge d’abord sur cette éternelle segmentation du regard porté sur autrui. Que cette segmentation relève de l’ultradominant patriarcat ? Ou qu’elle relève de femmes qui veulent, comme le clame le spectacle, ‘autre chose’. Le fil est étroit cependant, et peut être vu de différentes façons. Et je crois que je suis tombé dans le panneau lors de ma première réaction. Parce que bien sûr, le corps, la façon d’appréhender le corps peut être vue de différentes façons. Le choix des angles de vue appartient à chacun.

Déconstruction du regard

Il y a le premier aspect, absent du spectacle : la quête d’une vérité consensuelle, pédagogique.  Qui créerait les conditions d’une déconstruction du regard, avec l’exposition d’un corps, peu conforme aux standards dominants. Dans un process à même de tenter de ramener ces standards dans le champ de la réalité. En clair, dans un premier temps, exposition, comme dans le spectacle, de ce corps, de façon distanciée, peu complice. Puis possible évolution vers l’exposition de ce même corps dans un process de réhabilitation. Notamment en captant le regard de l’autre, en jouant sur des codes de séduction, de création de lien sensible.

Et il y a le second aspect : Oui, je suis gros-se! So what ? C’est mon corps. Je joue avec ce corps, je l’expose… et vous renvoie à votre possible malaise. Parce que mon corps ne regarde que moi. Ma façon de le contacter n’est pas conditionnée/conditionnable par votre regard. Il n’est pas inscrit dans un retour que j’espère favorable. Je ne cherche pas à le magnifier, à l’interpréter. Comme je ne cherche pas un sourire de connivence avec vous.

Je suis moi, intrinsèquement moi, et vous pouvez choisir de me voir comme je suis, ou autrement. Mais, dans tous les cas, c’est votre problème, votre histoire, votre rapport à ces corps qui ne sont pas, comme indiqué plus haut ‘esthétiquement bankables’. En l’occurrence, il y a ici deux histoires qui se jouent : mon rapport avec mon propre corps, dans une dynamique qui ne regarde que moi. Et votre propre rapport aux corps d’autrui, sinon à votre propre corps, qui ne regarde que vous. Le fait que je sois acteur/actrice et vous spectateur, créée certes un lien. Mais c’est surtout un lien permettant l’élaboration de votre propre réflexion. Déconstruction du regard ?

Comment réhabiliter?

Dans un premier temps, j’ai clairement opté pour le premier aspect. Parce que je souhaitais une réhabilitation dans le regard de ces corps encore une fois non conformes aux codes dominants. Mais l’argument du spectacle était plus subtil que dans un premier temps imaginé. Et le second aspect s’est rapidement imposé : le rapport à soi-même ne devrait pas se construire dans le rapport à quelque chose d’extérieur. Et le spectacle pose parfaitement ce débat.

Sachant qu’il y a cependant une troisième option, en sous-main. Les tensions résiduelles sont toujours vectrices de dissociation, ou de conflits. Et ces tensions résiduelles dans mon corps sont rarement le fait de choix raisonnés. Mais plutôt d’affects, d’évènements traversés, de moissons de mémoires issues des lignées. Oui, je peux choisir de régler le pb, de façon décontextualisée, à mon niveau. Ou le travailler avec d’autres personnes, dans le dialogue et l’échange. Vous me voyez venir : le massage tantrique permet de poser dans la plaine l’émergence de qui l’on est. Et d’exposer les paramètres de déconstruction puis de reconstruction. C’est un magnifique outil de questionnement, de quête, de refonte de son rapport à soi-même. Et j’invite qui que ce soit à tenter l’expérience.

le problème lié au corps est-il d’être tel ou tel ?

Mais la question reste avant tout la suivante : le problème lié au corps est-il d’être tel ou tel ? Ou dans la représentation de ce corps, et le regard porté sur ce corps ? Dans ce grand échiquier du rapport à soi-même, où se situe-t-on ? La réponse est peut-être sur ce mur de la Butte aux Cailles : JE T’AIME UN PEU PARTOUT. Ce message s’adresse tant à soi qu’aux autres. Il est beau, mystérieux, possiblement ambigu, il peut s’interpréter de différentes façons. Mais il couvre tous les secteurs, dans ce champ extensif de l’amour.

Et c’est peut-être à cette phrase générique que renvoie ce spectacle. Sois dans l’acceptation. Accepte d’aimer ‘un peu partout’. Ne recherche pas le consensus.

Et par-delà, accède, peut-être, à ta propre paix. Projetée vers autrui.

Et, surtout : vers toi-même.

Comment réhabiliter notre regard ? C’est peut être plus simple qu’imaginé…

LE TEMPS DE EVE... TANDAVA.

Le vent dans les arbres…

Le vent dans les arbres, autour de nous. Brassant les branches et les feuilles. Bogues vertes de châtaignes au sol, branches cassées qui craquent sous le pas. Feuilles qui s’inventent tapis coloré, inspirées par cette composition immense qui les englobe. Ces arbres sont sentinelles. Douces, sur notre parcours. Et cette clairière en creux, inscrite entre leurs troncs, en est l’espace d’accueil, de communication, de communion.

 D’ici, nous pouvons lever les yeux, les voir, les regarder. Un par un. Ici, tous châtaigniers plus quelques frênes et chênes…. tous verts, sauf un, en lisière, rappel peut-être de ce cercle de la vie et de la mort. Il est là, encore debout, mais ses feuilles sont brunes et sèches …. prêtes à s’envoler. Peut-être plus rapidement que d’autres, à nourrir le sol. Les autres sont verts de vie, encore : l’automne n’est là que demain.

Clairière au centre…

Cette clairière est isolée, mais elle est d’abord centre. A la danser, la regarder, s’y sentir contenus, elle est ce centre autour duquel le monde entier gravite. Tandava. Le geste y est lent. Il glisse sur la musique du vent, il rentre dans le vent. Pieds nus ancrés dans la terre, sombre et dense, odorante. Terre riche de cette forêt à l’aube d’un nouveau cycle, demain nourrie par cette canopée qui nous surplombe. Tandava, danse de la vie… dans le souffle du vent et le chant des oiseaux. Communion avec la terre, la Terre, le ciel, la musique, le souffle profond de ce qui entoure et nous contient.

Pas loin, par moments, des tirs de carabine, terrain d’entraînement militaire. Des détonations qui parlent de violence, de préparation à la violence. Contraste avec la danse ici, avec ce vent qui pulse, cette Nature ancrée et calme qui intègre et transmute. Jusqu’à l’énergie même générée par ces hommes, là-bas.

Parce qu’ici, le geste ne s’arrête pas, il continue à lisser les vagues, dessiner l’espace, à s’inscrire dans ce mouvement doux des troncs balancés par le vent. Il continue, car à cet instant, le centre du monde est ici, et la danse seule en est communion.

Le sens de la vie se niche dans les creux, bouillonne dans les interstices, dialogue avec le mouvement. Tandava ce matin comme d’autres matins, à écumer cette vie comme crème sur le lait. Doucement, lentement. Pour nourrir le présent, honorer passé et futur, commencer sa journée au contact de l’œil. Le cyclone peut se déchaîner, tout autour, ici, le calme règne… l’infini se poser, et la vie, tout doucement, se déplier.

©-Bruno Deck, masseur tantrique, Matanoma • 2023 • ©Photos Hélène Toulet

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