
L’importance du toucher dans l’absolu
Quid du toucher?
L’importance du toucher est mésestimée. Yves Pechot écrit : « Le corps touché est la caisse de résonnance, le réceptacle qui produit les informations de la conscience. Il n’y a pas de corps sans informations ni de transmission sans corps. C’est le lieu d’échanges entre moi et le monde, visible et invisible ».
Parce que, que se passe-t-il pendant le massage, qui ne se passe pas ailleurs ? A vrai dire, il n’y a aucun moment dans la vie où l’on ne répond pas à une sollicitation quelconque.

Quand on est seul, on peut se laisser un peu en paix. Mais que ce soit dans le couple, le monde professionnel, la vie domestique, on incarne toujours qqch. En effet, on est toujours quasi prisonnier d’une image, d’un rôle attendu ou à tenir, d’une attente plus ou moins exprimée. De fait, dans ces conditions, comment avoir conscience de soi, qui l’on est au plus profond de soi ?
Probablement, le massage tantrique est un des rares endroits où l’on peut venir conscientiser l’importance du toucher. Dans un cadre intégré comme de sécurité. En posant ses arbalètes, ses armures, en acceptant d’exposer sa vulnérabilité, c’est-à-dire ouvrant les portes. Dans un contexte totalement sécurisé, que se passe-t-il ? Comment accepte-t-on de se faire toucher ? En jouant sur le double sens du mot « toucher », physique et émotionnel.
Concrètement, je vois passer des femmes, des hommes, qui se posent des questions sur eux-mêmes. Questions sur leur corps, leur accès à leur sensualité, leur capacité à se regarder dans une glace. Sur la place de telle ou telle partie de leur corps dans leur schéma corporel . Ils sont parfois en difficulté avec eux-mêmes, dans leur couple, dans leurs relations. Que ces questionnements soient sexuels, sensuels, ou d’ordre amical, la conscientisation du toucher n’étant pas forcément à sa juste place.
Le cas des abus
On a, parfois, été l’objet d’abus, qui nous ont coupé d’une partie de notre corps. Abus qui ont recomposé notre corps comme un paysage avec des territoires explorés, d’autres inexplorés et inaccessibles. Isolés.
J’ai écrit, dans un livre (non paru), dans la bouche d’un des acteurs du livre, qui parle de son corps :
« Compliqué de passer derrière les autres, de reprendre les fanions plantés de ci de là par l’envahisseur, et déclarer ce territoire à nouveau vierge, en route vers l’aventure. Je me faisais l’effet du Japon qui n’arrive pas à mettre les Jésuites dehors. Non qu’ils soient encore là, ils sont partis depuis le XVIème siècle. Mais bien parce que leurs ombres planent encore sur le territoire, préparant peut-être le terrain à d’autres, aux Américains par exemple. Comme un creux à remplir. J’avais peur de mes potentiels Américains. Un terrain forcé devient un terrain que seul l’isolement peut protéger. »
Cette mémoire est prégnante. Elle redistribue les cartes pour ce qui est du rapport à soi-même et aux autres. Surajoutée à tout le reste, qui nous invite parfois, souvent, à la défense, ou nous conditionne à nous comporter de telle ou telle façon.
Dès lors, comment retourner la situation, et progressivement, faire disparaitre ce qui est devenu, par force, un réflexe pavlovien?
Notre corps n’est jamais touché dans la quiétude. Comme une mère ou un père caresse la tête de son enfant pour le bercer de tranquillité.
Le massage peut, par cette tranquillité du geste, en assistance d’autres approches, aider à ressortir du puit. A reprendre pied sur margelle. Et regarder plus loin en nous-même, qu’usuellement. Le toucher, reparamétré et reconfiguré dans un registre calme, sécurisant, inscrit dans le consentement, peut réparer.
L’apprentissage du toucher dans le massage
On n’a jamais appris aux hommes et aux femmes l’importance du toucher dans l’absence d’intention. On ne nous a jamais appris à nous toucher, tout court. Dans notre civilisation en tout cas, où tout ce qui touche au plaisir a vite une connotation sexuelle. Et même dans ce toucher à visée sexuelle, peu de personnes savent comment faire. Chacun est arrivé dans la vie avec un grand point d’interrogation, qu’il a tenté de nourrir pour combler le vide, via des lectures, des films, ou des échanges entre copains/copines. Dans un couple, souvent peu de discussion et d’échange, avec le frein de ne surtout pas paraitre, et le frein de ne pas savoir demander.
Le massage apporte du calme dans tout ça, et dès lors qu’il n’y a pas d’intention, l’importance du toucher apparait: Toutes les parties du corps peuvent être abordées en conscience, calmement, tranquillement. Permettant une connexion, une reconnexion.
Et le toucher révèle alors toute sa puissance : Au cours de notre vie, chaque partie de notre corps a engrammé, stocké sous forme de mémoire des ressentis. Parfois positifs, parfois négatifs. Parfois très compliqués à vivre. Le toucher permet (parfois) de reprogrammer ces ressentis, et d’apaiser. Permutant une mémoire négative par une mémoire positive.
L’importance du toucher: L’accès à la lumière de soi
Prise de conscience de la lumière
J’emprunte ces extraits à Didier de Buisseret:
« Le massage tantrique peut être vu comme un voyage intérieur. C’est une rencontre avec soi-même, et non une rencontre avec la personne qui donne le massage, qui n’est là que pour guider et accompagner dans ce cheminement intérieur. […]
Le massage tantrique est l’occasion d’expérimenter en soi-même le mariage entre ses polarités féminine et masculine, de fusionner son yin et son yang. […]
Bien plus qu’une technique, le massage tantrique est avant tout une qualité de présence aimante. Donner un massage équivaut alors à entrer en méditation […]
Dans le massage tantrique, il n’y a pas de but à atteindre, pas de finalité ni d’intention, juste accueillir les sensations et les ressentis, accepter de se laisser traverser par eux. […]
Cette absence d’objectif et l’accueil bienveillant de tout ce qui peut survenir durant le massage enlèvent toute pression d’un quelconque résultat, permettent au corps de se poser et de délivrer ce qu’il a à dire.
[…]
Le Tantra considère que le divin n’est pas à l’extérieur de nous mais en nous. Que chacun dispose en lui-même d’une parcelle de divinité. Pour évoluer sur son chemin spirituel, il n’y a rien à ajouter, à retrancher ou à changer à qui nous sommes. Juste prendre conscience de cette lumière qui brille en nous et s’y connecter. […]
Amour et compassion
Le Tantra a une vision non duale de la vie, ne voyant rien en termes de bien ou de mal, ne portant aucun jugement. Le massage permet de l’expérimenter et de le ressentir. En nous amenant à considérer tout notre être avec tendresse et bienveillance. A prendre conscience de notre propre lumière, […].
Il est utile de rappeler le rôle humble du masseur/de la masseuse, qui se limite à accompagner la personne massée vers elle-même. Ce processus d’acceptation de soi n’est donc pas provoqué par la qualité de présence du masseur/masseuse, du moins pas directement. Par contre, il se peut que ce soit en prenant conscience d’être l’objet de cet amour inconditionnel que la personne massée s’autorise à éprouver pour elle-même de l’amour et de la compassion, qui l’amèneront progressivement à s’accepter pleinement. »