L’insensibilité du tracteur
Y-aurait-il une mouche dans le « plottage » ? Il y a quelques jours, je tombe sur un post Fb, site de tantra, photo de 2 mannequins. L’un au-dessus de l’autre, main apposée de l’un sur le torse de l’autre. Assorti de divers commentaires sur l’anormalité de cette situation de deux hommes se touchant, un autre s’exclamant que jamais il ne se laisserait plotter (sic) par un homme. Soit. Je regardais récemment chez des amis un tracteur sur une étagère. Une maquette, parce que l’étagère n’était pas si grosse que ça. Et j’imaginais le poids d’un véritable tracteur sur chacune de ses roues. 1 tonne ? 4 roues donc tassant de leur 4 tonnes cumulées la terre meuble d’un champ, la damant, la compressant, éliminant toute forme de vie, toute capacité des vers et autres acteurs vitaux de ce champ à perpétuer leur éternel mouvement de yoyo entre profondeur et surface. Les empêchant d’aérer la terre et de la gorger d’éléments nutritifs. Résultat : Process actif à une terre stérile qui ne produit plus, qui s’épuise et ne se régénère pas. Mais on a une solution. On a malheureusement toujours une solution. Les labours par le même tracteur, qui, de sa charrue éventre la terre, la retourne cul par-dessus tête. Détruisant ainsi ce qui aurait déjà échappé au massacre, avant de la noyer d’engrais pour la ‘nourrir’. Effet kiss cool produit par celui qui ne questionne pas le fond. Petit parallèle avec les hommes À qui l’on apprend, très tôt, à se comporter… en hommes. Les 4 tonnes du tracteur représentant ce nivellement de tout ce qui émerge de sensible. Le soc de la charrue, ce retournement de l’âme pour rentrer à coups d’engrais chimiques dans leur tête la façon dont ils doivent se comporter. Et ça marche. D’où l’anormalité dénoncée par l’un sur ce post, ou l’horreur du ‘plottage’ de cet autre. Résultat d’injonctions rentrées à coups de masse dans la tête des hommes depuis toujours. Pour viser une version de leur « normalité ». Une version construite au fil des siècles qui valorise la virilité, la puissance, qui élimine l’émotion, la sensibilité apparente. Si l’on met de côté l’éducation pincée, la religion, la bêtise, le rejet dû à de multiples facteurs, l’effet de groupe, ou Dieu sait quoi, que reste-t-il ? Des hommes et femmes d’avant formatage, qui sont curieux du monde, de ses couleurs, de ses multiples formes de vie. Qui sont surtout curieux de leur potentiel à vivre, goûter, toucher, sentir. En toute innocence et j’utilise ce terme à dessein. Innocence considérée sous l’angle exploratoire de ce qui peut être source de contentement, de plaisir, de plénitude. Sans se préoccuper des nuages noirs qui errent en toile de fond, prêts à se répandre et éteindre la lumière. Éteindre la lumière est facile, elle permet de regagner sa bauge à tâtons, celle où l’on est bien, avec ses certitudes, son absence de curiosité, son biotope incertain d’où stigmatiser ce qui dérange. La recherche de l’innocence En évoquant l’innocence exploratoire, je ne parle même pas de conquête du droit au plaisir physique. Je parle d’abord et avant tout du plaisir à s’autoriser. Pour voir la révolution des paradigmes qui s’ensuit, le renversement du regard, la tolérance qui s’installe. Où le ‘vivre ensemble’ prend enfin réalité. Les hommes sont dans une position ‘sécure’ quand on parle de contact hommes-femmes. Ils sont exactement posés là où on les a posés. Et ils sont souvent persuadés de respecter une « loi de la nature ». Sans aller chercher plus loin, quant au fondement de cette « loi de la nature ». Et d’ailleurs, cette « loi » est souvent si naturelle, qu’elle leur confère (effet induit) un certain pouvoir sur les femmes. Avec tous les abus liés à la notion de pouvoir. Entre eux, cette toujours « loi de la nature » leur interdit tout contact. Ou au contraire l’autorise, mais avec tous les codes virilistes en vigueur. Qui viennent habiller, souvent, quelque chose de peut-être plus doux qui subsiste au fond d’eux. Comme un habit trop grand à porter, mais qu’ils s’efforcent quand même de porter. Par convention, peur, incapacité à s’écouter. Et il y a tout un tas de clubs de sports, de zones de friction et d’échange, qui leur permettent de se toucher en donnant le change. Avec de grandes tapes viriles dans le dos, de grandes étreintes viriles, de grands cris virils… Pour contrer un supposé danger qu’ils guettent du haut de leur rempart comme les soldats du Désert des Tartares : en vain. Le toucher et l’émotion Il n’y a pas de danger pour un homme à toucher à un autre homme, ce dernier n’explose pas (sauf quand il est conditionné à le faire), il ne s’échauffe pas de façon inconsidérée (sauf quand il est conditionné à le faire), il ne montre pas les crocs (sauf…) … Il n’y a qu’un danger construit de toutes pièces, celui de paraître ce qu’on n’est pas, ce que l’on ne voudrait pas que les autres, ceux du groupe majoritaire, imaginent en nous regardant. Le toucher ne devrait pas être assujetti à ce qui finit par faire loi. Mais qui n’est qu’illusion de constructions sociétales empilées les unes sur les autres. Avec le risque de manque d’air pour cause d’agglomération, empêchant toute respiration et tout questionnement. Mais est-il pour autant naturel ? Il n’y a pas un droit particulier qui caractériserait le toucher entre hommes comme naturel. Pas plus ni moins qu’entre hommes et femmes, ou entre femmes. Le toucher n’est ni naturel, ni non naturel. Il pose simplement la question du consentement à l’instant du contact. Une fois ce consentement entendu, le toucher n’est qu’affaire d’émotion. Et non source de conflits. Je reviens à mon image de la pesanteur du tracteur, comme métaphore de ces gestes poignants, virils et pesants que les hommes s‘autorisent entre eux. Ces gestes qui filtrent une émotion remontant à la surface en la codant. Pour qu’elle ne paraisse pas ce qu’elle n’est pas autorisée à être. Le toucher dans le cœur Mais posons-nous la question
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